L'invitation chez Monsieur le Comte


Le majordome d'un jeune comte invite les Clouzette, un couple de bourgeois roturiers chez son maitre dépressif pour l'aider à retrouver le moral et la joie de vivre.Y parviendra-t-il à l'aide d'Ariane , la fille séduisante des Clouzette ?Nul ne le sait à moins de lire ou de voir cette comédie amusante (pléonasme !)


Comédie en 4 actes



Personnages


Edouard de Larocaille , monsieur le comte, 30 ans

Robert, son majordome, 43 ans

La mère du comte, 58 ans

Marguerite, servante chez monsieur le comte

Joseph Clouzette, commerçant 56 ans

Julie Clouzette, son épouse 54 ans

Ariane, leur fille, 22ans


Lieu : Paris

Acte I , un parc public

Acte II, III et IV un salon aristocratique d'un hôtel particulier


Temps: Un samedi, début du XXIème siècle ( entre 2000 et 2010)


ACTE I


Scène I


Dans un parc public , un couple - Joseph et Julie- est assis sur un banc. Un samedi matin vers 9H30


Joseph: Quelle matinée magnifique ! Quelle merveilleuse idée as-tu eu de suggérer cette promenade matinale dans le parc!

Julie: Je n'ai que de bonnes idées. Tu le sais bien depuis plus de trente ans que nous sommes mariés. Pour le meilleur et pour le pire

Joseph : Tes bonnes idées, à ta place je ne serais pas aussi autosatisfaite. Pour le meilleur et le pire, en faisant le bilan je t'ai apporté plus de meilleur que du pire, reconnais-le.
Julie: Arrête tes remarques stupides. Respire plutôt la fraîcheur matinale, apprécie les doux rayons de soleil. Comme c'est agréable! Aujourd'hui est un jour de repos. Profitons-en.

Qu 'allons-nous faire cet après-midi ? As-tu une idée?

Joseph: Non, c'est toi qui as les bonnes idées

Julie: Je suis en panne d'inspiration

Joseph: Nous pourrions aller au théâtre. Il y a beaucoup de gens qui vont au théâtre et ils ont raison.

Julie: Mais nous n'avons pas réservé ! Puis nous n'avons pas réfléchi, il ne faut pas aller voir n'importe quoi, il faut choisir. Il n'y a qu'en province qu'ils n'ont pas trop de choix. Je les plains, les pauvres. Même si la pièce ne leur a pas plu, ils se sentent obligés d'applaudir, les malheureux. Cinq minutes cela fait mal aux mains ! Les paumes deviennent toute rouges .

Joseph: Et si nous allions au Louvre ! Nous ne sommes pas revenus au Louvre depuis longtemps. Qu'en penses-tu ?

Julie: Tu sais que je n'y connais rien en peinture. Toi non plus d'ailleurs

Joseph: La Joconde et son sourire, ce n'est pas rien .D'ailleurs, as-tu réfléchi, pour qui et pourquoi elle sourit?

Julie: Sans doute pour les touristes japonais qui la mitraillent!

Joseph: Tu dis n'importe quoi! Ils ne sont plus autorisés à le faire, je pense. Ils ont dépassé leur quota. A cause d'eux, personne n'est plus autorisé à prendre des photos. Les Chinois arrivent trop tard..

Julie: A parler des nippons, j'aimerais bien aller visiter le Japon.

Joseph : NOn merci,j'aurais peur d'avoir le mal de mer avec la terre qui tangue !

Julie: Ah ah, il faut rire.

Joseph : Jaune.

Julie : Pitié ! … Bon, que dirais-tu de l'Australie ?

Joseph: Aller voir des kangourous d' Australie qui sautent comme des gazelles, non merci. On n'a pas les moyens de toute façon. On n'est pas assez riche. Arrêtons de rêver.

Julie: On n'est pas à plaindre. Notre commerce marche bien. On vit décemment. C'est sûr, si nous étions vraiment riches, ce serait formidable. Nous pourrions faire le tour du monde une fois par an.
Joseph: Une fois suffirait. Voyager avec toi n'est pas une partie de plaisir. Tu te rappelles notre dernier séjour en Tunisie. Et tu n'aimais pas l'huile d'olive et le service était trop lent ou les bosses du chameau étaient trop hautes et mal placées et pas confortables et tu avais le vertige et le soleil était trop fort et l'eau trop froide à 28 degrés. Et tu as pris un coup de soleil qui t'a fait ressembler à une langouste. Toute rouge, tu étais. Je n'osais pas dire que tu étais ma femme…

Julie : Arrête ! ça suffit. Toi tu as râlé parce que l'avion a eu du retard et qu'on a mis deux heures pour sortir de l'aéroport et à l'hôtel parce que leur vin était mauvais ou trop cher et dans le souk parce que les vendeurs te harcelaient " Eh pour madame, les jolies bracelets, les belles babouches, le beau tapis "et tu répondais toujours non en agitant le bras comme pour chasser les mouches…Finalement nous n'avons acheté que ce service à thé folklorique dont nous ne nous sommes jamais servi et tu détestes le thé à la menthe depuis que le marchand de tapis t'a forcé à en boire avec trois sucres et un verre sale. Tu te souviens ?

Joseph: J'avais oublié.

Julie : Menteur !


Scène II


Un monsieur d'une quarantaine d'années, habillé élégamment, s'assoie à côté de Joseph et se tourne vers lui


Robert: Bonjour monsieur, je ne vous connais pas

Joseph : Moi non plus, bonjour monsieur.


Joseph se décale légèrement et semble surpris et un peu gêné


Robert (sur un ton ironique) : Oui mais maintenant puisque je vous parle, vous me connaissez. 

Joseph (à lui même) N'importe quoi, n'importe quoi, qui c'est ? cet individu ! Il est fou ou quoi !

Robert: Donc je vous connais.

Joseph un peu excédé : Qu'est-ce qu'il vous prend, monsieur ? ça ne va pas ? Je n'ai pas envie de discuter
avec vous

Robert : Moi non plus d'ailleurs

Joseph :Alors pourquoi vous le faites?

Robert : Je ne le fais pas.

Un instant de silence

Robert se tait , Joseph aussi

Robert : Monsieur se tait? Monsieur ne veut pas communiquer avec moi ?

Joseph :Je me tais en effet donc je ne communique pas avec vous.

Robert: Erreur, vous me parlez donc vous communiquez avec moi.

Joseph en aparté et à voix haute : Un vrai délire, un dialogue de fous !

Julie, l'épouse de Joseph : Joseph, que se passe-t-il ? Que te veut cet homme ?

Joseph : Rien, je ne lui parle pas

Julie: Ce n'est pas ce que j'entends

Robert: Vous voyez Joseph, vous me parlez !

Joseph: Mais… mais comment savez vous mon nom ?

Robert: Eh bien parce que je vous connais.

Julie; Triple idiot, je t'ai appelé par ton nom. Voilà pourquoi il te connaît !

Joseph : Ne me traite pas d'idiot devant un étranger !

Robert (réagissant) Oh ! oh! je ne suis plus un étranger puisque je vous connais

Julie: Vous monsieur l'importun, je ne vous parle pas et votre conduite m'irrite au plus haut point.

Robert: Madame, qu'ai-je fait pour vous irriter de la sorte, êtes vous hélas une femme irritable , une soupe au lait, une mégère ?

Julie :Ma vie privée ne vous concerne pas

Robert: Tout m'intéresse, particulièrement l'humeur des femmes.

Julie: Vous ne seriez pas insolent parfois ?

Robert: Si , toujours ! C'est ce qui fait mon charme.

Julie : Aucune éducation, aucun savoir vivre. Viens Joseph , partons, laissons ce malotru.


Elle se lève, fait mine de partir


Robert : Aucune éducation, aucun savoir vivre, voilà que je me fais insulter ! Voilà un femme bien querelleuse...Après avoir insulté son mari, je présume, voilà qu'elle insulte une nouvelle connaissance.

Julie: Non, un inconnu

Robert: Un inconnu qui ne l'est plus depuis cinq minutes, on ne peut pas dire que c'est un inconnu. Vous seriez surpris et ravi de savoir qui je suis.

Julie: Cela m'étonnerait.
Robert: Oui, c'est sûr.






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